Déc
18
Le 6 novembre 2019, le Comité interministériel de l’immigration et intégration (ex CICI) a annoncé 20 mesures, dont certaines concernent plus particulièrement les demandeurs d’asile. Nous tentons ici de synthétiser celles qui risquent d’impacter notre action, de près ou de loin (sans nous prétendre exhaustifs) et d’en décrypter le sens souvent caché.
Texte rédigé par Nadine BERAHA
Aller plus vite
- Crédits consacrés à l’asile légèrement en hausse et destinés en priorité à des recrutements massifs à l’OFPRA pour réduire les délais d’instruction des demandes. 200 agents supplémentaires sont budgétés. Une nouvelle chambre CNDA sera également créée avec 59 effectifs supplémentaires.
- Mise en place d’un portail électronique pour l’envoi des convocations et des décisions OFPRA. Un téléservice sera mis en place à cette fin dès la fin de l’année 2019, d’abord de manière expérimentale.
- Les demandeurs d’asile originaires de ces pays dits « sûrs » verront leur demande traitée de façon prioritaire pour les éliminer au plus vite du processus. La liste de ces pays n’a pas été modifiée.
Rendre les migrants moins visibles
- D’ici la fin de l’année, tous les campements et en particulier ceux au Nord de Paris seront évacués. Les personnes feront l’objet d’un examen de leur situation administrative avant toute mise à l’abri.
- Les demandeurs d’asile, pour éviter leur regroupement dans les grandes métropoles et en particulier à Paris, auront l’obligation d’aller où on leur dira d’aller et d’y rester (cantonnement). Ceci va être expérimenté sur trois régions.
Durcir les contrôles et les sanctions
- Les décisions de transfert et les expulsions seront davantage mises en œuvre vis-à-vis des dublinés et des déboutés.Une réorganisation complète des organisations et processus de travail a été mise en place à cet effet, et la police aux frontières a été mobilisée. Ces efforts produisent leurs premiers résultats dit le gouvernement : le taux de transfert en France se rapproche désormais de la moyenne européenne.
- Éloignement systématique des hommes condamnés pour violence sexuelles ou sexistes.
- Renforcement des capacités d’accueil des centres de rétention. Trois nouveaux centres seront ouverts à partir de 2020.
- La France défend l’idée consistant à mettre en place des procédures frontalières à la frontière extérieure dans des centres contrôlés, pour identifier rapidement, parmi les arrivants irréguliers, les personnes en besoin de protection. L’agence FRONTEX verra ses effectifs passer de 1 000 à 10 000 personnels d’ici 2024.
- Renforcement de la lutte contre les fausses reconnaissances de paternité dans le cadre de l’immigration familiale.
Diminuer les possibilités d’accès aux ressources
- Pour « améliorer la connaissance des publics accueillis dans l’hébergement d’urgence », les SIAO doiventtransmettre chaque mois à l’OFII les informations relatives aux demandeurs d’asile et aux réfugiés présents dans l’hébergement d’urgence. Cela doit permettre de suspendre le versement du montant majoré de l’ADA aux demandeurs d’asile bénéficiant d’un hébergement.
- Remplacer la carte ADA de retrait par une carte de paiement pour s’assurer que l’ADA est bien utilisée en France pour les besoins quotidiens des demandeurs d’asile.
- Mettre fin à la possibilité de cumuler ADA et RSA. Actuellement les personnes ayant obtenu leur statut se voient attribuer le RSA à partir de la date de leur demande d’asile. Ce sera dorénavant à partir de la date d’obtention de leur statut.
Rendre l’accès aux soins plus difficile
- D’ici la fin de l’année 2019, un décret introduira un délai de carence de trois mois pour l’affiliation des demandeurs d’asile à la protection universelle maladie (PUMA) ainsi que pour l’obtention de l’AME à partir de l’expiration du titre de séjour. Un amendement visant à rendre éligible les demandeurs d’asile aux soins urgents pendant cette période de carence sera proposé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2020.
- Les ressortissants étrangers dont le titre de séjour est expiré, tout comme les déboutés du droit d’asile, ont aujourd’hui un maintien de leur droit à la protection maladie pendant douze mois, s’ils sont toujours sur le territoire français. D’ici la fin de l’année, un décret réduira la durée de maintien de droits de 12 à 6 mois pour les ressortissants qui perdent le droit au séjour, et prévoira la fin des droits lorsqu’un ressortissant fait l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) devenue définitive.
- Pendant une durée de plusieurs mois à compter de l’entrée d’un bénéficiaire dans le dispositif AME (cette durée sera définie par décret), un certain nombre de soins et traitements, correspondant à des soins et prestations programmés et non-urgents, ne seront plus pris en charge, sauf sur dérogation accordée par le service du contrôle médical de la CPAM dans les cas où un défaut de prise en charge pourrait entraîner, pour le bénéficiaire, des conséquences vitales ou graves et durables.
- Depuis bientôt 3 ans le service médical de l’OFII est chargé d’émettre les avis médicaux dans les cas de demandes de titres de séjour ou de protection contre l’expulsion pour raisons de santé. Personne ne sait sur quelles bases se fonde L’OFII pour déclarer qu’une personne malade peut être soignée ou non dans son pays d’origine. La bibliothèque d’information à laquelle l’office se réfère (BPIO) reste un outil interne non publié. Depuis l’arrivée de l’OFII aux manettes de l’évaluation médicale, les taux d’avis médicaux favorables à la poursuite des soins en France ont chuté de 23%. L’OFII devra désormais publier l’OBPI en ligne dans un délai d’un mois, mais s’agira-t-il de la version intégrale de ce document ?
- Le regroupement de l’instruction des demandes d’AME dans trois caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) permettra de renforcer l’efficacité du contrôle des pseudo fraudes. Cette réorganisation sera effective avant la fin de l’année 2019. Dès 2020, les CPAM auront accès à la base de données des visas « VISABIO » pour identifier, en amont de l’octroi du droit, les dissimulations de visas.
Choisir les migrants
- Mise en place de quotas d’émigration professionnelle pour faciliter le recrutement dans les métiers en tension. Mais les sans papiers ne seront pas pris en compte par la politique d’immigration professionnelle. Donc ceux qui sont déboutés du droit d’asile n’auront pas le droit à être candidats. Un débat annuel définira les « métiers en tension » sur la base d’un outil statistique qui définira dans chaque territoire et pour chaque secteur d’activité les besoins en compétences.
- Attirer 500 000 étudiants étrangers d’ici 2027.
- Un dialogue annuel sera institué avec les États bénéficiaires de notre aide au développement pour conditionner notre aide à leur politique migratoire et une obligation à la réadmission sera instaurée.
Et quelques déclarations d’intention qui peuvent être des bonnes ou des mauvaises nouvelles pour nous :
- Accroître l’aide au développement (projet présenté en 2020) et la conditionner à nos objectifs de politique migratoire.
- Création d’une agence européenne de l’asile, moyens financiers pour les pays de premier accueil, relocalisation des demandeurs d’asile ayant fait l’objet d’un sauvetage en mer.
- Structuration d’un parcours de santé pour les « primo-arrivants » dans chaque région permettant d’adapter les soins délivrés aux vulnérabilités des migrants (psycho-trauma, maladies infectieuses). Ce parcours doit notamment comporter un « rendez-vous santé » dans les quatre mois suivant l’arrivée en France. Une expérimentation sera engagée à Rennes.
- Les moyens alloués aux permanences d’accès aux soins de santé (PASS), qui sont souvent le point d’entrée des personnes migrantes, sont renforcés.
- Réduire les montants des taxes sur les titres de séjour.
- Promouvoir l’intégration par le travail: augmentation des crédits d’insertion professionnelle des réfugiés, développement de leur formation linguistique.
- Le Gouvernement fixera aux préfets des objectifs ambitieux de relogement des réfugiés pour 2020. Il leur sera demandé de mobiliser 16 000 logements au cours de cette année.
- Pour les mineurs non accompagnés (MNA) : lutter contre les évaluations multiples (mise en place d’un fichier unique AEM), rendre plus équitable la répartition territoriale de l’accueil, faciliter l’admission au séjour des MNA devenus adultes et engagés dans un parcours professionnalisant. Examen anticipé du droit au séjour à la majorité, dès que ces jeunes auront atteint l’âge de 16 ou 17 ans. Cet examen anticipé permettra de sécuriser la situation administrative des jeunes en formation, en apprentissage ou en emploi et d’assurer leur situation au regard du droit au séjour. Cette circulaire sera diffusée au plus tard en janvier 2020.
Comments are closed.