Cet engagement en tant que référent a commencé sur un malentendu.
Ce sont là peut-être les meilleures des décisions.
On me parle du Collectif Agir, dans une autre structure, une chorale. Je me rends au café 3C. J’écoute, je regarde, je laisse mon numéro de téléphone.
Je cherche sur internet, trouve le site, m’approprie une phrase qui résume « l’Implication » :
« s’appuyant sur des valeurs d’humanité, de fraternité et de solidarité, les membres du Collectif Agir ne font pas de différences entre les réfugiés politiques, les réfugiés climatiques et les réfugiés économiques, entre les réfugiés chrétiens et non chrétiens »
Pour mémoire, je me définis comme athée et agnostique, si cela demeure possible.
Dans cette phrase du site, tout est dit.
Mon idée est de participer au FLE. En tant qu’ancien enseignant, c’est le réflexe.
Je reçois un coup de téléphone. On a besoin d’un référent. Je ne sais pas ce que c’est qu’un référent. On m’explique. J’hésite.
– Je ne sais pas, je n’ai pas la compétence, je n’ai pas les qualités nécessaires.
Un silence qui m’a paru très, trop long.
Je me mets en apnée :
– Bon d’accord.
Deux jeunes. Dix-huit et dix-neuf ans. Un nouveau-né. Ils ne lâchent pas leur bébé. Ils sont inquiets, repliés. Ils sont logés avec un autre couple, à peine plus âgé avec lequel ils ont fait une partie de « la Route »
On sympathise avec les référents de l’autre couple. On prend l’habitude de travailler ensemble. Quand on fait pour deux, on fait pour quatre. Ça nous aidera par la suite.
Mon épouse va aussi s’impliquer.
Ça aide.
Mes filles qui régulièrement me demandent : Alors ? Comment vont-ils ?
Je ne détaillerai pas ce qui peut arriver à un couple de demandeurs d’asile, en un an, avec un bébé en bas âge.
Pour mémoire : difficultés administratives, maladies infantiles, déménagement, alerte à la tuberculose mais sans suite, renouvellement CMU, service PAS, carte ADA bloquée, carte SNCF invalide, renouvellement papiers OFII, refus OFPRA, recours CNDA, contact AVOCAT, Forum des réfugiés…
Je laisse à chacun le plaisir de découvrir le sens caché de chacun des acronymes cités.
Mais qui sont-ils ?
Deux Érythréens. Ils ont vécu au Soudan. Ont traversé la Libye. Ont été emprisonnés. Battus. Violée. Brûlé. Ont traversé la Mer Cruelle.
Ce qu’ils me disent ou ce qu’ils me cachent est leur vie. Je la respecte.
Ils se sont ouverts. Ils sourient quand ils nous voient, rient.
Le bébé, 18 mois à ce jour, ouvre grand les bras et se jette dans les miens.
Les parents sourient.
Quelqu’un d’Agir a dit un jour : « tu es le papi d’A ». J’en suis fier.
J’ai découvert avec eux le monde de « langue arabe »
Différent du monde des cités. Tout ce monde de « ceux qui sont loin de chez eux », plein d’empathie, de douceur, d’aide, sans agressivité. Je regrette de n’avoir pas appris l’arabe dans mon jeune temps.
J’ai découvert aussi, en France, la douceur de gens qui, quand on leur explique, font l’effort, aident : hôpital, pharmacie, médecin, gare sncf, banque, épicerie, restos du cœur…
Des gens qui peut-être ne font pas partie d’Agir, mais qui, à leur niveau, montrent que ce que disent certains médias au discours conforme n’est finalement pas aussi acquis : « Les Français pensent que… »
Ils m’appellent Ali. Au début, par méconnaissance, par erreur. Maintenant par amitié, pour rire.
« Et toi, ça va ? Et Anne Marie, ça va ?
Bizous Anne-Marie. »
Il leur a fallu du temps. Le temps de l’humanité, pas le temps du monde libéral occidental.
Le temps pour apprendre, pour comprendre. Les codes, les fonctionnements, les rudiments de la langue, l’autonomie.
L’autre n’a pas forcément un bâton, l’autre n’est pas forcément repoussant (avec toutes les acceptions du sens), l’autre parfois aussi fait les choses gratuitement et sans arrière-pensée.
J’ai des anecdotes qui me reviennent à l’esprit, encore et encore.
C’est ça, la richesse.
Comments are closed.